
Un des leaders du mouvement Conscience noire
« Je veux acheter de quoi manger. Ici, on ne me donne que du pain. Pourquoi me laisse-t-on nu depuis mon arrivée ? » Ce 2 septembre 1977, Stephen Bantu Biko proteste énergiquement dans sa cellule de la prison de Port Elizabeth. Il a été arrêté le 18 août, à Grahamstown, dans la province du Cap, sous prétexte qu’il participait à une « distribution de tracts incitant à la violence ».
Né en décembre 1946, ce grand bonhomme de 1,87 m est un des leaders du mouvement Conscience noire. Poète à ses heures perdues, il déborde d’entrain et d’idées. Sa popularité auprès des populations noires commence à agacer sérieusement les dirigeants du régime de l’apartheid qui le décrivent volontiers comme un « révolutionnaire crypto-marxiste », un trouble-fête dont il convient de « s’occuper ».
Assigné à résidence depuis fin 1973, il a interrompu ses études de médecine à l’université du Natal. Au moment de son arrestation, il est sous le coup d’une mesure de « bannissement ». Autrement dit, il est interdit de parole publique et ne doit pas rencontrer plus d’une personne à la fois.
Les bourreaux de la prison de Port Elizabeth
À plusieurs reprises, déjà, Biko a fait l’objet d’interpellations, jusque-là sans conséquence majeure. C’est pourquoi, lorsqu’il est arrêté en ce mois d’août 1977, sa famille ne s’inquiète pas outre mesure. Même si, cette fois, Biko est incarcéré à la prison de Port Elizabeth réputée pour la brutalité de ses gardiens. On y redoute surtout les méthodes d’un certain major Snyman.
Le 6 septembre, en début de matinée, Biko entre en salle d’interrogatoire. Il est encore en possession de tous ses moyens. Le fameux major Snyman et son équipe le « questionnent » durant sept heures d’affilée. À 18 heures, il est enchaîné, menottes aux poignets et fers de 2 kg aux chevilles. Une équipe de nuit prend la relève.
Le 7 septembre, à 7 heures du matin, Snyman reprend l’interrogatoire. Biko a-t-il été frappé ? Sans aucun doute. Il porte à la tête des blessures profondes. Il est dans un état semi-comateux. Quatre jours plus tard, le 11 septembre, il n’a toujours pas repris connaissance.
C’est pourtant dans cet état, nu, recouvert d’une couverture, qu’il est jeté à l’arrière d’une Land Rover et transféré à la prison de Pretoria. Pas une fois durant les 1 000 kilomètres de route, on ne lui donne à boire.
Le 12 septembre, il succombe à un traumatisme crânien ayant entraîné des lésions cérébrales et des complications rénales. Étonnamment, aucun des deux médecins appelés à son chevet avant son transfert ne s’est inquiété. Les policiers leur ont dit que Biko simulait et qu’il était dangereux !